Projet Digitalisation de la gestion de l’hygiène menstruelle Kmerpad

Les règles et leur malédiction

Oui tenez ces scènes.

A la maison

-Papa j’ai vu du sang sur mon caleçon

-Vas voir ta mère ce sont vos choses de femmes là-bas.

Au bar avec une petite

-Je suis en période bébé on ne peut rien faire aujourd’hui

-Pourquoi ? Je t’ai dit que j’ai peur du sang ? J’apprends cela à mes filles à la maison cela ne me pose aucun problème.

De gros menteurs n’est-ce pas !

Expert en menstruation dehors et spectateur quand il s’agit de sa fille.

C’est si simple lorsqu’une jeune fille est enceinte, de rejeter la faute sur la maman qui n’a pas su conseiller « sa fille ». La maman a-t-elle eu cette fille seule ? Quand la fille réussi c’est « la fille de son père » quand c’est une grossesse c’est leur histoire sa mère et elle.

Hé bien j’aimerais bien que ces messieurs sachent que ce ne sont pas des choses de femmes. Au lycée les filles apprennent à compter leur cycle auprès des garçons. Petits-amis, frères, voisins sont des experts de nos calendriers. Certaines le font pour la bonne cause d’autres pour savoir quand avoir des rapports sexuelles avec elles ou les piéger.

Ce 28 mai on célèbre dans le monde, la journée internationale de l’hygiène menstruelle. Toute une journée dédiée à ce phénomène naturel pourtant tabou dans de nombreuses sociétés.

J’ai participé durant 6 mois au projet de « digitalisation de la gestion de l’hygiène menstruelle » organisé par l’ONG Kmerpad avec des jeunes des établissements scolaires et les centres de promotion de la femme de Yaoundé et ses environs.

Une expérience qui m’a fait réaliser à quel point nous femmes, sommes mal et très peu informées sur le sujet. Un sujet qui est le nôtre.

Sensibilisation sur le gestion de l’hygiène menstruelle au lycée d’Awae

Les règles ne sont pas une malédiction

Ha oui faut bien que l’on enlève cela dans la tête de nombreux parents qui frustrent de nombreuses jeunes filles dès qu’elles ont leur règle avec des serments du genre. Quand tu as tes règles tu ne dois pas toucher au repas sinon cela va se gâter, quand tu as tes règles si tu joues ou touche un garçon tu seras enceinte (nous savons que ce n’est pas en touchant que cela arrive), quand tu as tes règles tu es impure (mince ! comment un phénomène qui te prouve que tu peux procréer peut être une malédiction ?).

Bien au contraire, tout comme le garçon se vante et se sent homme quand il a sa première éjaculation, la jeune fille devrait se sentir femme en devenir, qui peut procréer, qui est en santé et qui au lieu d’être isolée quand elle a ses menstrues, devrait juste vivre cette période normalement.

J’ai souffert de ce passage. Moi habituée à jouer à la tisse à la plateforme avec mes copains, quand j’ai eu mes règles la première fois c’était un calvaire. Il a fallu que je reste scotchée sur mon banc de peur « de me salir », de peur « de toucher un garçon et être enceinte » et quand j’ai voulu oublié ces commandements en allant jouer, très souvent je retrouvais ma serviette hygiénique au dos avec une belle tâche semblable au cachet su censeur lol. Non seulement je ne savais pas fixer ma serviette et en plus elle était tellement grosse. Des fois quand elle m’empêchait de jouer je la retirais et 15 minutes après j’avais le gros cachet rouge sur ma tenue. Ce sont mes copines qui se démerdaient pour jouer les sapeurs-pompiers et me trouver un pull.

Voilà pourquoi je déteste voir quelqu’un attacher le pull à la taille

Oui une sorte de frustration et de blocage de cette période pubère de ma part était aussi le fait qu’au lycée, dès qu’on te voyait avec le pull à la taille, tout le monde savait et murmurait que tu avais tes règles et les garçons ne se privaient pas de les détacher pour se moquer des filles. L’autre chose était qu’une fois qu’une fille portait fréquemment le pull on la soupçonnait d’être enceinte.

Il y a encore du travail sur le sujet

Passée six mois au sein de ce projet sur la gestion de l’hygiène menstruelle à Kmerpad m’a fait réaliser qu’il reste tant de choses à faire. Les parents doivent être éduqués sur la manière dont ils gèrent cette période chez la fille car ils ont tendance à la frustrer au lieu de la rassurer et la rendre fière de ce changement naturel. De nombreuses mamans ne prennent pas la peine de bien expliquer le choix, le port correct, l’entretien des serviettes hygiéniques à leur fille. De nombreuses mamans transmettent de mauvaises pratiques à leur fille (usage du sel gemme, du savon, des lotions intimes, du citron, de l’eau de javel pour la toilette intime) avec une conséquence à long terme sur leur capacité à procréer. Acheter une serviette hygiénique devrait être aussi normale que faire les autres emplettes pour la fille et le garçon (oui j’ai dit le garçon aussi sa sœur le dépanne quand il veut des capotes, il pourrait faire pareil pour les serviettes hygiéniques de cette dernière). Éduquer les garçons à être des secours pour les filles dans cette situation et non des sources de moqueries. Guider une fille quand elle a ses premières règles ne devrait pas être seulement la tâche de la maman, les filles écoutent beaucoup leur papa. De nombreuses écoles ne disposent ni d’eau, ni de toilettes appropriées pour que les filles puissent se changer résultat elles passent plus de 4h voir toute la journée avec une serviette hygiénique. Très peu de filles savent qu’il existe de nombreuses protections adaptées et conseillées pour elle. Très peu de filles savent prendre les précautions et entretenir leurs serviettes hygiéniques. Les sous-vêtements et les serviettes hygiéniques en coton se sèchent au soleil (même si vos voisins disent que vous vous vantez en les séchant à l’extérieur, rappelez-vous que c’est pour votre santé). Il existe des moyens appropriés pour éliminer vos serviettes hygiéniques et non dans la nature, les cours d’eau.

Vous pouvez avoir plus d’informations sur le sujet ici