Comment j'ai vécu mon unique participation au défilé du 11 février
Chaque 11 février le Cameroun , mon pays, célèbre la fête de la jeunesse. Cette année 2025 le thème choisi était "Jeunesse, maturité et responsabilité pour la consolidation de la paix, de la sécurité, de la croissance économique et du processus démocratique ". Même si j'avoue que des fois je ne comprends pas quel est le sens et le choix des thématique, toujours est-il que les jeunes camerounais sont fiers d'y adhérer.

Source: Iwaria; Rassemblement de jeunes
Alors ma première participation au défilé du 11 février était en 2001. Je faisais la classe de seconde et je m'ennuyais. J'avais rejoint, par les conseils d'un ami qui était intéressé par la politique et ses rouages, le groupe de jeunes d'un parti politique que je ne vais pas citer ici. J'étais jeune, un peu perdue à cette époque, tout m'énervais car je devais composer le BEPC pour la troisième fois, mes amis étaient déjà en classe supérieur et fallait combiner avec les nouveaux élèves. L'argent de poche que papa me donnait était déjà insuffisant car il fallait sortir avec les camarades pour aller au manège ou aux après-midi de jeunes. Mon ami m'avais conseillé vu mon dynamisme, de rejoindre ce groupe auquel il appartenait et qui, selon lui allait bénéficier de mes idées. J'avais quoi à perdre?
Je participais par la suite à 4 ou 5 réunions du groupe bien qu'étant perdue au milieu de tout ça et au mois de février, le président nous annonçait que des carrés nous avaient été réservés pour le défilé 11 février au Boulevard du 20 mai. Il fallait donc répéter pour être prêts le jour J. C'était des après-midi et des matinées de répétitions interminables où nous répétions les pas et les hymnes de ralliement plusieurs fois. De longues séances où il m'arrivait de perdre la voix et de ne plus sentir mes pieds. Nous n'avions que des bouteilles d'eau après les séances et l'argent de taxi promis après celles-ci nous parvenait épisodiquement. Je ne me plaignais pas et je me disais que tout ceci allait être réglé après le défilé.
A la dernière séance de répétition, l'équipe d'encadreurs nous donnait les dernières instructions et ils étaient clairs "rendez-vous à la Sonel centrale à 6h30. Celui qui viendra après cette heure ne sera pas admis à défiler." J'étais ponctuelle donc la veille j'avais tout apprêté et mis de côté pour ne pas avoir à tarder et malgré les conseils de mes tantes qui me disaient de m'y rendre à 8h, le lendemain matin j'avais mis mon sac au dos et j'ai quitté la maison à 6h pile.
6h20 j'étais au lieu dit donc à la Sonel centrale, il y avait déjà des centaines d'élèves de plusieurs établissements qui étaient présents mais ceux de mon groupe non. C'était la première fois que j'allais défiler et j'étais bien curieuse de savoir comment ça se passe et de tout raconter à mes amis en classe le lendemain. Les premiers membres de mon groupe se pointaient à 8h et moi j'avais un pincement au cœur. Le groupe était finalement complet à 10h 30 avec en dernière position le président lui-même qui m'avait paru rigoureux. Pas d'excuses rien il avait juste demandé que l'on se rassemble et que l'on attende qu'on nous appelle. Il y avait des milliers d'âmes réunies à cet endroit et on ne s'entendait plus tellement les gens bavardaient. Nous étions finalement passés devant la tribune à 13h30 imaginez ma tête et vous n'êtes pas au bout de la surprise.

Source: Cameroon Tribune
J'étais arrivée à 6h20 et imaginez ce que j'ai vécu en attendant le reste du groupe. J'avais 1500f en poche et ma bouteille d'eau. Dans l'attente et avec la chaleur qu'il faisait, 1litre et demi d'eau ressemblait à deux gouttes d'eau. Qu'est ce que je n'avais pas bu pour étancher ma soif? Le foléré, le djindja, les sucettes, de l'eau encore, des alaska, le réal. Avec la chaleur il fallait aussi compter que l'attente vous forçait à vous asseoir à même le sol, vos habits semblaient tout à coup vous serrer, les feuilles de papier ne vous ventilaient plus bien et même en ballerines comme j'étais, j'avais du retirer mes chaussures de nombreuses fois pour rester pieds nus, pour respirer. Avant le passage devant la tribune l'équipe faisait semblant de s'intéresser à vous, c'étaient les ordres par ci, les intimidations par là. Qui pouvait savoir que derrière ma fierté de défiler au Boulevard devant les autorités, se cachait une lycéenne, une jeune militante qui n'avait que 100f capital et intérêt réunis dans ses poches?
Nous avions dépassé la tribune et les autorités continuaient d'applaudir jusqu'à ce qu'ils nous perdaient de vue. J'étais encore plus choquée par ce qui allait suivre. Notre président appelait 10 membres et amis et ils s'éloignaient de notre groupe, en fait ils s'en allaient. Nous abandonnant à nous mêmes. Parmi les "élus" qui partaient avec lui, je repérais celui qui m'avait emmené là et je lui demandais "lors des entrainements il avait été dit que nous aurions de l'argent de taxi après le défilé mais je n'ai rien eu". Lui, habitué de cette situation me répondait "le président n'a pas pu retirer l'argent, il va vous convoquer en semaine pour ça" et sans me laisser répondre, il avait tourné son dos et était parti.
C'était une longue marche qui m'attendait et que j'ai faite seule de la poste central à Biyem-Assi, j'avais du payer 4 sucettes de 25f que je suçais en marchant. J'étais arrivée à la maison toute trempée de sueur avec les intestins serrés. J'avais prise une douche et j'étais allée me coucher sans mot dire. Ma tante avait voulu que je lui raconte ma journée mais j'avais fait semblant de dormir. Il m'a fallu deux jours pour digérer et soigner les ampoules que j'avais aux pieds. La semaine promise de la paye était passée, mon ami me fuyait du regard et fuyait ma compagnie. Un mois après, mon cher ami, sans honte, était venu toquer à ma porte. En ouvrant la porte, il semblait tout excité et moi de lui demander l'objet de sa visite. "On a changé l'équipe, le président la était malhonnête" Je ne l'avais pas laisser terminer sa phrase, j'ai refermé mon portail.
Il était revenu quelques jours après et j'avais du lui verser de l'eau pour qu'il ne revienne plus. Le défilé sous quelque forme que ce soit ne m'intéresse plus. J'y ai laissé mon argent, des amis et ma fierté. Et s'il faille que je signe un quelconque document pour que mes enfants n'y participent pas je le ferais, pour qu'ils ne vivent pas ce que j'ai vécu: la trahison, l'exploitation et l'abus.