Je n’ai pas pu dénouer ma langue suite à une scène traumatisante que j’ai vécue aujourd’hui. Moi, la bavarde, je me suis subitement trouvée dans l’incapacité d’ouvrir la bouche pour trouver des mots justes afin d’apaiser la douleur d’un jeune couple.
La scène tourne en boucle dans ma tête depuis quelques jours. Permettez que je vous dise réellement ce qui me met dans tous mes états. Le weekend passé, j’ai appris qu’une artiste musicienne que je découvrais à peine est décédée. Elle a été fauchée par un sale accident de la circulation au Ghana. La mort de la jeune Ebony m’a donné des gouttes de sueurs froides. Je n’ai pas cessé de lire les articles de journaux qui en parlaient, de revoir ses clips vidéo sur Youtube et de me demander « pourquoi ? »
Dieu seul a la réponse à ma question. Les révélations qui s’en sont suivies du genre « elle n’est pas morte », « elle savait qu’elle allait mourir », etc. viennent encore compliquer la situation. Pauvres parents d’Ebony !
Le même vendredi de son décès, mon collègue me fait part de la maladie de son nouveau-né. Une diarrhée et le manque d’appétit du bébé leur avait forcé à l’emmener à la Fondation Chantal Biya. Ils avaient été reçus par le personnel médical qui avait interné l’enfant. Durant tout le weekend, je prenais des nouvelles du petit et il n’y avait apparemment rien d’inquiétant.
Aujourd’hui curieusement, je n’ai pas voulu allumer mon téléphone pour lire mes messages le matin comme d’habitude. Une fois que je l’ai fait, j’ai appris le décès de ce nouveau-né et j’ai compris pourquoi mon cœur refusait que je reçoive cette nouvelle. Quand il m’a écrit « il nous a quitté » j’ai dû refermer mon WhatsApp pour le rouvrir à nouveau et constater que c’était vrai. A peine quatre mois, un jeune couple nouvellement marié, leur premier enfant, mon Dieu !
Que dire à mon collègue en pleurs ? Désolé ? Sorry ? Sois fort ? Assia ? Je n’ai pas trouvé les mots justes aujourd’hui. C’est plus fort que moi. Moi qui suis pourtant si bavarde, j’ai perdu l’usage de la parole. Aucun mot, aucune thérapie ne peut soigner, consoler cette perte. Lui demander de ne pas pleurer est un deuxième crime, c’est le seul moyen de traduire ce qui nous dépasse. Hélas dans cette situation « Assia » ne suffit pas. Ce mot n’est qu’un mot et ne comblera pas ce vide, ne ramènera pas cet enfant, n’enlèvera pas le deuil dans cette famille.
Alors je me suis juste assise, regardant le corps du bébé qui semblait dormir d’un sommeil paisible et pourtant, et pourtant il raidit peu à peu et même le ventilateur en face n’y peut rien. Dieu a donné, Dieu a repris.
J’ai toujours rendu visite à des familles endeuillées, mais j’arrivais toujours après l’inhumation. Cette première expérience a été traumatisante et je ne souhaite pas la revivre, pour rien au monde. Pour chaque famille qui perd un enfant, nous vous comprenons mais hélas, très souvent, nos mots ne suffisent pas.